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Photo du rédacteurLe roi de Finlande

Moi, Friedrich Karl, roi de Finlande (épisode 8)

Feuilleton littéraire



J'ai repris mes esprits au petit matin, un petit matin sombre et noyé dans un brouillard épais. J'étais assis contre un arbre, à l'orée d'une forêt qui m'était familière. Au-dessus de ma tête, suspendue à une branche, était accrochée une lanterne, elle aussi familière. Mon regard a sondé rapidement les environs. J'ai cherché, sans trop y croire, la présence du chasseur. Et la présence de ma bicyclette rouge. Il n'y avait que moi, la lanterne et cette nature figée dans l'humidité. De fines gouttelettes en suspension. De fines gouttelettes sur les feuilles des arbres. De fines gouttelettes sur mes vêtements. Une immersion générale a minima. Je me suis levé. Mes premiers gestes m'ont paru immédiatement assez lents, comme alourdis par cet air "liquide". Mes pensées, lentes également, ont répondu naturellement à l'appel de la forêt. J'ai saisi la lanterne et me suis enfoncé dans la végétation. Le temps s'est étiré au gré d'une marche tranquille, mes pieds goûtant le plaisir d'un sol souple, mes narines se gorgeant des odeurs d'humus, mes oreilles se délectant des nuances de silence. J'ai finalement traversé la forêt, sans revoir "mon" ruisseau, pour me retrouver face à un lac dont la surface grise se fondait dans la grisaille du ciel. J'ai vu devant moi, partant de la berge, au-dessus de l'eau, une étroite passerelle en bois menant à une cahute sur pilotis. Je suis allé tâter du pied les premières planches de cette passerelle pour en tester la résistance, et puis j'ai avancé prudemment pour aller découvrir la cahute qui semblait m'appeler tout autant que la forêt.


Photo d'une passerelle en bois, sur un lac, menant à une cahute sur pilotis. Une cabane sur l'eau.

Arrivé devant la porte, j'ai patienté quelques instants, tendant l'oreille à d'éventuels bruits provenant de l'intérieur. Rien n'a éveillé mon attention ; j'ai levé le simple loquet qui maintenait la porte fermée et ai laissé la lumière de ma lanterne révéler l'intérieur de cette petite cabane sur l'eau. Elle était vide. Seules quelques tâches de peinture blanche, m'a-t-il semblé, parsemaient le plancher tout près de la porte opposée, à l'autre extrémité de la cabane. Je me suis avancé pour aller les regarder de plus près quand un courant d'air a non seulement claqué la porte derrière moi, mais aussi éteint ma lanterne. Dans une obscurité traversée de quelques rais de lumière pâle, j'ai d'emblée voulu rouvrir la porte, cherchant une poignée, en vain, puis donnant quelques coups d'épaule qui n'ont pas servi à grand-chose. Sans m'affoler, sans chercher d'explication, je me suis dirigé vers l'autre extrémité quand un nouveau et improbable coup de vent a légèrement ébranlé la cahute et entrouvert la seconde porte. Je l'ai poussée et suis resté frappé d'éblouissement.

Les eaux grises du lac avaient disparu pour laisser place à une étendue d'un liquide blanc éclatant, qui paraissait épais. J'ai d'abord pensé à du lait avant de me souvenir de la boue blanche dont parlait le chasseur. Je me suis souvenu également de l'idée d'un ensevelissement plus agréable encore que celui expérimenté dans le terreau de ma petite serre, déjà délicieux. J'ai regardé à droite et à gauche, vers les berges à peine distinctes de ce lac blanc. Personne. Juste un petit point bleu au loin, surprenant, mais pas assez pour me détourner du désir de m'immerger rapidement. Je me suis entièrement dévêtu, ai descendu la petite échelle installée en contrebas de la porte et ai glissé progressivement dans un bain de sensations incroyables.

Douceur veloutée, tiédeur délicate, parfum capiteux. Pris d'un léger tournis, j'ai lâché l'échelle qui me reliait encore au monde "solide" et me suis laissé porter par un courant lent et suave ; j'ai eu l'impression que des dizaines de bras féminins, sous la surface opaque du lac, m'entraînaient vers une zone inconnue, m'accompagnaient dans un entrelacs soyeux, tournoyant et caressant. Pris dans ce maelstrom, j'ai fermé les yeux, m'abandonnant au plaisir le plus irradiant et subtil que j'ai jamais connu. Il m'a semblé que j'évoluais en spirale pendant un temps, avant de filer de manière serpentine dans une direction unique, avec toujours le même bonheur. C'est le contact d'un petit buisson végétal qui m'a sorti de mon ivresse. J'étais près de la berge. La profondeur de boue était faible. Je me suis levé et suis resté quelques instants à l'air libre dans la considération de mon sexe, levé, lui aussi, et uniformément blanc. Redressant la tête, j'ai vu au loin la cahute sur pilotis et la silhouette ronde du chasseur sur le pas de la porte. Pour compléter mon tour d'horizon, j'ai pivoté vers la berge et pu contempler, à quelques mètres, royalement posé sur un écrin de verdure humide, un magnifique fauteuil capitonné, de velours bleu.


Texte : Frédéric Viaux




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