Noire odyssée
- Le roi de Finlande
- il y a 5 jours
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Note de lecture et extraits : Underground Railroad, Colson Whitehead
Note de lecture
Une plongée immersive dans l'Amérique esclavagiste d'avant la guerre de Sécession, aux cotés d'une jeune esclave fugitive et en suivant l'une des voies du fameux "chemin de fer clandestin", ce réseau d'aide aux Noirs fuyant la servitude. Un réseau au nom métaphorique, ici pris également au sens littéral de réseau ferré souterrain, de manière fantasmée. Cette odyssée aux multiples voyages et rebondissements s'appuie sur une bonne documentation historique et se déploie en aventures prenantes, tout en faisant œuvre politique. Il lui manque probablement un style et une perspective qui transcendent le sujet, pour marquer vraiment l'esprit. Mais l'ensemble est intéressant d'un bout à l'autre.

Extraits
Rêverie cruelle
Il arrive parfois qu'une esclave se perde dans un bref tourbillon libérateur. Sous l'emprise d'une rêverie soudaine au milieu des sillons, ou en démêlant les énigmes d'un rêve matinal. Au milieu d'une chanson dans la chaleur d'un dimanche soir. Et puis ça revient, inévitablement : le cri du régisseur, la cloche qui sonne la reprise du travail, l'ombre du maître, lui rappelant qu'elle n'est humaine que pour un instant fugace dans l'éternité de sa servitude.
Les énergies primitives du monde
Le père d’Arnold Ridgeway était forgeron. L’éclat crépusculaire du métal en fusion l’ensorcelait, cette couleur qui émergeait lentement dans la matière, de plus en plus vive, et la submergeait comme une émotion, cette souplesse soudaine et ces torsions sans fin de la chose qui attendait son dessein. Sa forge était une fenêtre sur les énergies primitives du monde.
Amener des sauvages à la Lumière
Depuis le jour où elle avait vu une gravure représentant un missionnaire entouré d’indigènes, Ethel pensait que ce serait un accomplissement spirituel que de servir le Seigneur dans les jungles du cœur noir de l’Afrique, et d’amener des sauvages à la Lumière. Elle rêvait du navire qui l’y conduirait, une magnifique goélette aux voiles semblables à des ailes d’ange, fendant la mer déchaînée. Le périlleux voyage vers l’intérieur des terres, la remontée des fleuves, le franchissement des passes montagneuses et les dangers surmontés : lions, serpents, plantes carnivores, traîtrise des guides. Et puis le village, où les indigènes l’accueillent comme un émissaire du Seigneur, l’instrument de la civilisation. Dans leur gratitude, les nègres l’élèvent vers le ciel en célébrant son nom : Ethel, Ethel.
L'arme la plus puissante
Le maître répétait souvent que la seule chose qui soit plus dangereuse qu'un nègre avec un fusil, leur dit-il, c'était un nègre avec un livre.
Illusion utile
Parfois, une illusion utile vaut mieux qu'une vérité inutile.
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