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  • Photo du rédacteurLe roi de Finlande

L'allure poétique, par sauts et gambades

Extraits : Les Essais, Michel de Montaigne, texte de l'adaptation théâtrale d'Hervé Briaux, Théâtre de Poche


Portrait de Michel de Montaigne.

"Même le silence sait prier et se faire entendre."


"Quoi qu'en disent les philosophes, le but ultime de notre visée, c'est la volupté.

J'aime beaucoup leur battre les oreilles avec ce mot-là parce qu'ils en ont une si forte aversion. Le plaisir est notre but, et les moyens d'y parvenir peuvent être divers.

Et de tous les plaisirs que nous connaissons, la poursuite même de ce plaisir est attrayante.

Il faut empoigner les biens et les plaisirs présents, ici et maintenant, car nous n'avons aucune prise sur les choses à venir.

L'espoir et la crainte nous élancent vers l'avenir et nous poussent toujours à désirer ou craindre les choses futures.

Nous échappons à ce qui est maintenant, pour nous amuser avec ce qui sera, peut-être, un jour. Peut-être même lorsque nous ne serons plus.

Nous ne sommes jamais chez nous, nous sommes toujours au-delà.

Et puis, pour l'heure, nous avons des besoins plus urgents.

Nous sommes tellement en disette de beauté, de sagesse, de vertu, et autres qualités essentielles."


"Mes idées se suivent, mais parfois c'est de loin. J'aime l'allure poétique, par sauts et gambades. À mesure que mes idées fantasques se présentent, je les entasse.

Tantôt elles se pressent en foule, tantôt elles se traînent à la file.

Je propose des idées informes et incertaines.

Non pour établir la vérité mais pour la chercher. Nous sommes naturellement faits pour chercher la vérité.

La posséder appartient à une plus grande puissance.

Le monde n'est qu'une école de recherche.

Et ce n'est pas à qui atteindra le but, mais à qui fera la plus belle course."


"Il faut avoir un peu de folie si l'on ne veut pas avoir plus de sottise encore."

Tableau Le Rat de bibliothèque, de Carl Spitzweg

"Je passe dans cette bibliothèque la plupart des jours de ma vie et la plupart des heures du jour. Et elle me plaît aussi parce qu'elle est un peu difficile d'accès et à l'écart.

C'est là que je réside.

J'essaie d'en avoir la pleine jouissance et de soustraire ce seul coin à la communauté, et conjugale, et filiale, et civile.

Malheureux celui qui n'a pas chez lui un coin où il puisse se cacher !

Et je trouve plus supportable d'être toujours seul que de ne jamais pouvoir l'être.

Il faut se réserver une arrière-boutique toute nôtre, toute libre, dans laquelle nous établissons notre vraie liberté, notre retraite dans la solitude. C'est là qu'il faut tenir notre habituel entretien avec nous-mêmes.

Un entretien si particulier qu'aucune relation ou communication extérieure n'y trouve place. Ne craignons pas que dans cette solitude, nous allions croupir d'oisiveté et d'ennui.

Nous avons une âme capable de se retirer en elle-même.

Elle peut se tenir compagnie.

Dans notre solitude, soyons-nous, à nous-mêmes, une nombreuse compagnie."

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