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  • Photo du rédacteurLe roi de Finlande

De merveilleux mensonges

Extrait de roman : Anéantir, Michel Houellebecq


Couverture du livre de Michel Houellebecq, Anéantir, éditions Flammarion

Prudence avait posé sa tête contre la sienne et semblait rêver, ne plus penser à rien en tout cas ; la nuit n'allait pas tarder, il commençait à faire un peu froid. Elle se blottit contre lui, puis lui demanda ou lui dit, il n'était pas certain que ce soit une question : "Nous n'étions pas tellement faits pour vivre, n'est-ce pas ?" C'était une pensée triste, et il la sentait prête à pleurer. Peut-être qu'en définitive le monde était dans le vrai, se dit Paul, peut-être qu'ils n'avaient aucune place dans une réalité qu'ils n'avaient fait que traverser avec une incompréhension effrayée. Mais ils avaient eu de la chance, beaucoup de chance. Pour la plupart des gens la traversée était, du début à la fin, solitaire.

"Je ne crois pas qu'il était en notre pouvoir de changer les choses", dit-il enfin. Il y eut un coup de vent glacial, il la serra plus fort contre lui.

"Non, mon chéri." Elle le regardait dans les yeux, souriante à moitié, mais quelques larmes brillaient sur son visage. "Nous aurions eu besoin de merveilleux mensonges."


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